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Loi Pacte : le point de vue de l’économiste

par Nicolas Delord, professeur agrégé et docteur en économie

Publié le 28 novembre 2018 Mis à jour le 1 avril 2022

La loi Pacte, rappelons que l’acronyme signifie Plan d’Action pour la Croissance et la Transformation des Entreprises est une loi qui porte une ambition réformatrice dont les effets se feront sentir sur plusieurs années. Les objectifs généraux de la loi Pacte sont les suivants : faciliter la vie des entreprises, favoriser la croissance des PME, donner les moyens aux entreprises de se transformer et d’innover.

Après la volonté de baisser le coût du travail qui a marqué le mandat Hollande à partir de 2013 avec le Crédit impôt compétitivité emploi puis le Pacte de responsabilité et de solidarité, les lois sur le travail à partir de 2016 (loi El Khomry puis ordonnances travail Macron) destinées à renforcer la flexibilité pour les entreprises et à stimuler les embauches, l’accent est désormais mis sur la libération de ressources pour financer l’innovation sous toutes ses formes des transformations des organisations aux nouveaux produits.

À quels objectifs microéconomiques et macroéconomiques répond la loi Pacte ?

Il est utile de distinguer les objectifs microéconomiques des objectifs macroéconomiques de cette loi. Les effets microéconomiques vont se produire à l’échelle de l’entreprise alors que les effets macroéconomiques seront scrutés à partir des indicateurs de santé de l’économie nationale.

Les objectifs microéconomiques sont la baisse des coûts de transaction pour les entreprises en simplifiant leurs relations avec les pouvoirs publics et la croissance de la taille des entreprises. Cela devrait permettre aux entreprises d’économiser des ressources et d’accélérer leur développement.

Les objectifs macroéconomiques sont la stimulation de l’innovation en finançant la recherche et développement, l’amélioration de la spécialisation de l’économie française pour fabriquer des biens et services plus haut de gamme, la redistribution des revenus pour soutenir le pouvoir d’achat des ménages. La croissance économique, l’emploi et le commerce extérieur devraient profiter d’un tissu d’entreprises plus compétitives. 125000 entreprises seulement exportent en France contre 250 000 en Italie et 400 000 en Allemagne.

Quelles sont les mesures économiques emblématiques de la loi Pacte ?

Une hiérarchie au sein des mesures de la loi Pacte peut être dégagée en fonction des objectifs poursuivis et de l’importance des effets anticipés.

La loi Pacte veut en premier lieu faire croître la taille des entreprises en faisant évoluer les multiples seuils d’effectifs avec obligations sociales et fiscales vers un système à seulement 3 seuils (10, 50 et 250 salariés). De nombreux seuils en étant rehaussés à 50 salariés vont faciliter la vie des PME. Elles sont trop petites et représentent l’écrasante majorité des 4 millions d’entreprises. Dans le même temps, le nombre d’entreprises de taille intermédiaire (de 250 à 4999 salariés) qui embauchent et exportent est insuffisant dans l’économie française. Les entreprises auront 5 ans pour mettre en œuvre la réglementation qui correspond à leur nouveau seuil.

La loi Pacte veut flécher de nouvelles ressources vers l’innovation en créant un fond de 10 milliards d’euros pour investir dans les nouvelles technologies. L’État va céder des parts dans Aéroport de Paris, Française des jeux et Engie pour financer le fond d’innovation de rupture qui cible startups et projets d’innovation. Les épargnants sont aussi incités à financer l’économie réelle avec la modernisation du fond eurocroissance. L’État veut apporter de nouvelles ressources pour financer l’innovation. Le volontarisme industriel est ici limité par le fait que l’État actionnaire recule pour mobiliser de nouvelles sources de financement.

La loi Pacte vise à ne pas pénaliser la prise de risque, en facilitant la création d’une entreprise par un guichet unique en ligne pour réduire les frais et les délais, en limitant le fichage des échecs d’entreprise par la banque de France et en simplifiant la liquidation judiciaire. Ces changements doivent diffuser une nouvelle culture de l’entrepreneuriat.

La loi Pacte réarme les entreprises mais porte aussi la nécessité d’un partage de la valeur ajoutée plus favorable aux salariés. Cette loi centrée sur l’offre est ici complétée d’un volet soucieux qu’une partie des ressources dans les entreprises soient redistribuées vers les salariés et soutiennent la demande. Ainsi, pour développer l’épargne salariale et un meilleur partage de la valeur ajoutée dans les entreprises et en particulier les plus petites, il est proposé de supprimer le forfait social pour inciter aux accords d’intéressement (moins de 250 salariés) et aux accords de participation (moins de 50 salariés).

Comment évaluer les effets de cette loi dans les années à venir ?

Il est difficile de rattacher des effets notamment macroéconomiques à une réglementation qui devrait dans un premier temps provoquer une transformation des entreprises au niveau microéconomique. Il faudrait que celle-ci fasse l’objet d’un contrôle rigoureux planifié en même temps que son adoption. L’alternance politique ne facilite généralement pas le suivi et l’objectivité dans l’évaluation publique.

La loi Pacte soutient l’innovation dans l’organisation mais l’innovation est un processus long et complexe. Plus de 10 ans après le lancement des pôles de compétitivité, le faible nombre de brevets qui y était adopté n’était pas forcément perçu comme un échec de cette politique publique tant le temps de l’innovation est long. De plus, faire monter en gamme la spécialisation de l’économie française ne se fera pas du jour au lendemain en misant sur des innovations de rupture dans le secteur tertiaire et le numérique.

Il y a quand même avec la taille des entreprises ou le nombre de PME qui exportent des indicateurs faciles à tracer qui pourraient à terme se traduire par une embellie sur le front du commerce extérieur et de l’emploi.


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